L’école buissonnière : une modalité alternative d’apprentissage située et incarnée
- Nicolas Fasseur
- 23 mai
- 2 min de lecture
Résumé :L’expression « école buissonnière », historiquement associée à la transgression scolaire, mérite d’être réinterrogée à la lumière des approches contemporaines de l’apprentissage situé, écologique et expérientiel. Cet article propose une relecture de cette notion à travers les prismes de la pédagogie en plein air, de la cognition incarnée et des rapports au savoir non formels.
Introduction
Traditionnellement perçue comme un acte de désobéissance scolaire, l’« école buissonnière » désigne le fait, pour un élève, de s’absenter volontairement de l’école. Cependant, cette expression mérite une analyse plus nuancée. Le terme « école » implique la possibilité d’un apprentissage, tandis que « buissonnière » renvoie à une immersion dans la nature, en dehors des cadres institutionnels. Ainsi se pose la question : peut-on apprendre hors de l’école, dans et par l’environnement naturel ?
Apprentissage situé et expérience sensible
La théorie de l’apprentissage situé (Lave et Wenger, 1991) souligne l’importance du contexte dans la construction des savoirs. Loin d’un cadre purement cognitif et décontextualisé, le savoir se développe à travers les interactions sociales et matérielles. Dans ce sens, l’acte de « faire l’école buissonnière » peut être envisagé comme une forme d’apprentissage informel, en lien avec l’environnement.
Les pédagogies de la nature, telles que la « forest school » (Knight, 2013), démontrent les bénéfices cognitifs, sociaux et émotionnels d’un apprentissage en milieu naturel. Loin d’une absence d’apprentissage, ces expériences proposent une autre forme de rapport au savoir : plus incarnée, multisensorielle et fondée sur la curiosité.
Une épistémologie du vivant : apprendre par et avec la nature
Faire l’école buissonnière revient à devenir un être parmi les autres vivants. Cette approche rejoint les travaux de Louv (2005), qui introduit la notion de « nature-deficit disorder » pour décrire le manque de contact avec le vivant chez les enfants urbains. La fréquentation des milieux naturels favorise une forme d’apprentissage éco-social, qui articule savoirs écologiques et développement de l’attention (Gopnik, 2009).
Ce rapport au savoir s’oppose à une vision linéaire et normalisée de l’apprentissage. Il ouvre à des formes de connaissances intuitives, esthétiques et sensibles, qui rappellent les fondements de la phénoménologie de l’éducation (Merleau-Ponty, 1945 ; Varela, Thompson et Rosch, 1991).
4. Conclusion
Repenser l’école buissonnière à la lumière des sciences de l’éducation contemporaines invite à dépasser une lecture normative de l’espace scolaire. Loin d’être une absence de savoirs, l’expérience buissonnière révèle une richesse cognitive et existentielle, ancrée dans le monde sensible. Elle nous pousse à élargir notre conception de l’éducation, vers une école du dehors, du vivant et de la liberté.
Référence :
Gopnik, A. (2009). The Philosophical Baby. Picador.
Knight, S. (2013). Forest School and Outdoor Learning in the Early Years. Sage.
Lave, J., & Wenger, E. (1991). Situated Learning: Legitimate Peripheral Participation. Cambridge University Press.
Louv, R. (2005). Last Child in the Woods: Saving Our Children from Nature-Deficit Disorder. Algonquin Books.
Merleau-Ponty, M. (1945). Phénoménologie de la perception. Gallimard.
Varela, F. J., Thompson, E., & Rosch, E. (1991). The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience. MIT Press.
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