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L’invisibilisation contemporaine de la lutte


Ou pourquoi on ne voit plus la révolte… même quand elle brûle encore.


Ce qu’on voit… et ce qu’on ne voit pas


Dans les fictions, la lutte est évidente. Elle est juste, héroïque, exaltante. On regarde Hunger Games, et on est prêt à renverser le système. Mais dans la vraie vie, c’est plus compliqué. Le silence prend le dessus. L’engagement recule. La lutte se fait discrète, fragile, ou honteuse. Pourquoi ? Parce que tout est organisé pour la rendre invisible.

Voici quelques clés pour comprendre cette invisibilisation, en s’appuyant sur les travaux de penseurs majeurs comme Bourdieu, Debord, Zuboff et Foucault. Et pour voir comment y répondre, en gardant les yeux ouverts sur ce qui résiste.


Pierre Bourdieu : quand la domination passe par nous-mêmes


Bourdieu appelle ça la violence symbolique. Ce pouvoir silencieux qui fait que les opprimés adoptent les règles du jeu des dominants. Résultat : dès qu’on essaie de prendre la parole, on nous accuse d’incohérence. Tu veux lutter ? Mais tu consommes, tu es imparfait, tu es contradictoire. Et alors ? Bien sûr que nous contradictoires : le système l’est. Le problème, c’est que ces accusations nous font taire. Elles nous empêchent d’agir.

La lutte devient un luxe réservé aux "purs", et nous, on s’auto-censure. Voilà comment la domination agit aujourd’hui : elle parle avec notre voix.


Guy Debord : le spectacle a remplacé la vie


Dans La société du spectacle, Debord montre que notre réalité est saturée de représentations. On ne vit plus directement les conflits — on les regarde à travers un écran. Résultat : la lutte devient elle-même un produit culturel.

Tant qu’elle est dans un film, on applaudit. Quand elle surgit dans la rue, on s’en méfie.Les figures de la contestation sont récupérées, esthétisées, neutralisées. Même les grandes voix militantes finissent vitrines de leur propre image. Le spectacle nous donne l’impression qu’il n’y a plus rien à faire. Juste à consommer de la révolte emballée.


Shoshana Zuboff : nos comportements sont devenus des produits


Bienvenue dans l’ère du capitalisme de surveillance. Ce que Zuboff décrit, c’est un système qui capte en permanence nos données, nos gestes, nos intentions. Pas pour nous servir, mais pour nous orienter.

Chaque clic, chaque scroll, chaque hésitation devient une matière première exploitée. Résultat : nos choix sont de moins en moins libres. Et notre attention, une ressource à capter.Dans ce contexte, penser devient difficile. Contester, encore plus. Le numérique crée des bulles où l’indignation tourne en rond — sans débouché collectif. On croit s’informer, on est isolé. On croit s’engager, on est distrait


Michel Foucault : le pouvoir n’interdit plus, il façonne


Foucault ne parle pas de dictature, mais de discipline. Ce pouvoir moderne, doux, fluide, qui passe par l’école, la santé, les normes sociales. Il ne dit pas "tu dois", mais "tu devrais".Et on finit par s’auto-discipliner. Par vouloir être performants, responsables, raisonnables. Même notre révolte devient raisonnable. Même nos désirs de rupture doivent être bien formulés, bien canalisés.

C’est le biopouvoir : un contrôle doux mais profond, qui pénètre nos corps, nos imaginaires, nos désirs.


Ce qui résiste — mais en silence


Alors… plus rien ne bouge ? Faux.

Des choses résistent. Mais pas toujours là où on les attend. Pas forcément dans les partis, les cortèges, ou les hashtags les plus visibles. La résistance est souvent modeste, informelle, locale.

Elle tient dans une entraide, un détour, une désobéissance discrète.

C’est ce qu’on appelle les braises sociales.


L’Observatoire des braises sociales : écouter ce qui brûle encore


C’est pour cela que nous avons créé l’Observatoire des braises sociales. Un espace de veille et de réflexion sur ces formes de résistance invisibles mais vivantes.

Nous voulons documenter ce qui se fait à bas bruit : les solidarités discrètes, les pratiques d’auto-formation, les détournements du quotidien. Nous voulons raconter les contre-conduites, les ruptures sans mot d’ordre, les gestes minuscules qui tiennent tête.

Parce que la lutte existe encore. Mais elle a changé de visage.


Rejoignez l’axe de l’Observatoire des braises sociales


L’Observatoire des braises sociales est un espace collectif de veille, d’analyse et de soutien aux formes de résistance discrètes, émergentes, infra-politiques. Il ne s’agit pas de cartographier ou d’exposer — mais d’écouter, comprendre, accompagner.

Nous cherchons à :

  • repérer ce qui résiste dans les marges sans le nommer trop vite ;

  • analyser ces pratiques pour mieux les faire tenir dans le temps ;

  • construire des outils, des lectures, des mises en lien pour soutenir sans surexposer.

Vous souhaitez participer à cet axe de réflexion ? Que vous soyez chercheur, militant, éducateur, observateur attentif du réel… vous êtes les bienvenus. Pour rejoindre l’axe ou participer à une première réunion : ucp.075@gmail.com


Participez aux forums de discussion


Trois fils sont ouverts pour prolonger la réflexion et croiser nos vécus :

  • Quelles formes de résistance voyez-vous autour de vous ? Pratiques ordinaires, détournements discrets, gestes qui tiennent.

  • Comment lutter sans se sentir légitime ? On y parle de doutes, d’injonctions, de forces contradictoires… mais aussi de confiance.

  • Quand la lutte devient spectacle : comment ne pas se laisser piéger ? Pour penser ensemble la récupération, les effets de visibilité, et les stratégies de retrait.

Même un court témoignage peut faire résonner d’autres expériences. Prenons soin des braises. Et soutenons celles et ceux qui les gardent vivantes.


 
 
 

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